J’ai toujours apprécié la couleur, la forme, la ligne et le dessin pur pour éloigner l’approximation picturale.
Un monde difficile à conquérir pour s’affirmer en tant qu’artiste.
La peinture ne doit-elle pas dire la sensation pour être ?
Au XVIIIème siècle, Giovanni Rizzetti objectait les séparations psychologiques, séparant les sensations chromatiques en couleurs naturelles apparentes et imaginaires -1721-.
Goethe s’en est inspiré avec ses couleurs chimiques, physiques et psychologiques (spirituelles chez Kandinsky). Dans la théorie des couleurs en 1810, il retenait le schéma des couleurs fondamentales, bleu jaune et pourpre, trouvant la tension vers un perfectionnement spirituel, le pourpre, la couleur archaïque et mystique, générant le vert produit inférieur et mélange naturel.
Certains peintres interprétaient le voyage en Italie comme une mission vers “l’état des couleurs” grâce à la tension du rouge italique.
Les couleurs germaniques, elles, étaient le jaune, le bleu et le vert.
Le choix des couleurs n’est pas anodin, il véhicule des symboles et se rattache à des sentiments, à des moments de vie.
Lorsque l’on expose, on s’expose aussi, et les peintures deviennent le miroir de l’âme et du quotidien aussi, l’intensité d’un caractère qui se montre.
Le blanc symbolise le silence, la paix, le secret et la pureté, une quête vers un infini.
Les gris, la neutralité, je pense une fausse neutralité car ils sont toujours des camaïeux.
Le noir, le mystère et l’inconnu, un froid métallique, la distinction aussi.
Le rouge, l’excitation, l’amour en démesure, le besoin de montrer, le rouge bordeaux rassure.
Le vert clair, la renaissance, la candeur, la fragilité.
Le vert foncé, le classicisme, la force, le désir de puissance, pourtant dans ces infinies gammes de verts qui s’établissent dans une peinture, le besoin de changement, le vide à communiquer.
Le jaune, le besoin de partager, la fougue, c’est une des couleurs difficiles à mettre en situation car elle est très démonstrative, presque insondable.
L’orange, qui oscille toujours entre le jaune, le rouge et le gris, porte leur expression. L’orange est une couleur qui boit la lumière et la fait disparaître. Gauguin s’en servait et s’en méfiera toujours. Elle est pourtant le sentiment exacerbé, elle met en évidence le sentiment, que l’on voudrait, caché.
Le bleu clair symbolise la fraîcheur, la jeunesse de sentiment, un ciel qui bouge.
Le bleu foncé, le sérieux et la rigueur, le besoin de sécurité, l’ombre colorée stable.
Le violet, la couleur de l’âme, la profondeur mystique, l’élan intérieur, la gravité.
Le brun, l’esprit terrien, le bon sens, la sobriété, la robustesse.
Toutes ces références étudiées m’ont aidé évidemment dans le temps à comprendre mon travail. Au début une rencontre avec des couleurs qui m’a conduit à atteindre la couleur pure, avec pour issue cette arrivée vers les « Whites ». L’idée du monochrome, me semblait porter en elle l’absolue conquête des couleurs toutes réunies en une, comme l’Arc-en-ciel Newtonien donnant le blanc, résultant de la combinaison de toutes les couleurs du spectre solaire, de toutes les radiations monochromatiques provenant de la décomposition de la lumière.
Robert Wilson a dit: « Il n’existe que deux sortes de lignes, les lignes droites et les lignes courbes. Il faut se décider, est-ce que je veux que cette ligne soit droite ou courbe ? Ce sont les uniques choix possibles. Le temps est un espace. L’architecture de tout n’est que cela : le temps et l’espace. Pour moi le temps est une ligne verticale, elle traverse le centre de la terre et va jusqu’au ciel, l’espace est une ligne horizontale. Ce croisement entre le temps et l’espace, c’est ainsi que l’on construit l’art. C’est la tension entre la verticale et l’horizontale qui fait la différence. »
En parallèle à mes « White » est née cette série des « In Spirit » qui se composent du dessin donnant les éléments visuels, les signes colorés et de sa complémentaire, le dessin du blanc tout autour. Le blanc n’est dans ces compositions pas un fond mais définit au contraire cette association White-Color, affirmant la perspective linéaire qui régit le trait et la perspective sensible donnée par la couleur qui est toujours à constituer, à camper.
Ma démarche faite pas à pas en partant de mon ressenti, poursuivant la forme que j’ajuste à la couleur, intime association pour négliger tout ce qui n’est pas l’ensemble.
Cette démarche est personnelle, elle représente ma manière d’accéder à l’image, de la travailler, elle n’est sûrement pas universelle, mais elle peut se partager, s’exposer.
O.MÉRIJON